Linkin Park – La vie devant soi
Comme le prouve le single “BURN IT DOWN” récemment sorti, Linkin Park est de retour en grande forme. Tout en poursuivant sur les sinueux chemins électroniques de “A Thousand Suns”, son cinquième album “LIVING THINGS” marque un retour aux gros refrains qui ont fait son succès. Le chanteur Chester Bennington et le batteur Rob Bourdon nous ont reçu à Los Angeles, plein d’enthousiasme.
LIVING THINGS sort le 26 juin. Quelle est votre impression à chaud sur ce cinquième album de Linkin Park ?Rob Bourdon (Batterie) : C’est un moment très excitant pour nous, car on vient juste de passer du stade où on enregistre à celui où on peut écouter le disque. Notre perspective change, on n’est plus dans le même état d’esprit que lorsqu’on travaillait dessus, et on peut enfin apprécier la musique. Entre les répétitions, les concerts, les tournées, on n’avait jusqu’ici pas eu le temps de se poser. Je l’ai fait l’autre jour, et j’ai été soufflé par l’album.
Chester Bennington (Chant) : Je suis content qu’il vous plaise, parce que je n’ai aucune idée de ce que vous avez entendu (rires). Mais plus sérieusement, on se sent tous très confiant par rapport à ce nouvel album.
Ce nouvel album arrive très rapidement, moins de deux ans après “A Thousand Suns”…R.B. : Oui, on n’a jamais été aussi rapide. On a fini la tournée très tard, en octobre dernier. On est entré directement en studio, et on a été très surpris que ça nous prenne si peu de temps. Il y a quelques mois, on avait quasiment terminé, et on se demandait si on réussirait à finaliser l’enregistrement avant la tournée d’été. Mais on se sentait si bien, on était en pleine confiance.
C.B. : On a choisi et mixé notre single avant même que l’album soit totalement terminé. Ça ne se passe jamais comme ça d’habitude ! La plupart des groupes péteraient les plombs si cela leur arrivait, mais on a changé nos habitudes pour ce disque. Comme le disait Rob, on savait qu’on était dans une bonne période, et qu’il fallait qu’on en profite. Pour la première fois de notre carrière, on s’était donné un but, et on l’a atteint. Ça a été très étrange. D’habitude, on se donne des deadlines qu’on ne respecte pas et on se laisse un peu de liberté. Mais on savait qu’on tenait quelque chose de bon, alors on a foncé.
TOUJOURS FRAIS
On vous sent vraiment très enthousiaste en ce moment de votre carrière…R.B. : Oui, on est super heureux en ce moment, on est très fier de cet album, et on se réjouit de pouvoir bientôt interpréter les nouveaux morceaux sur scène. On n’a pas eu vraiment l’occasion de les jouer ensemble, car on a écrit et enregistré séparément, mais on entre en répétition dans quelques jours. Je suis persuadé que pas mal de titres de “LIVING THINGS” seront géniaux en live. J’ai trop hâte.
Vous avez été productifs, puisqu’à peine “A Thousand Suns” sorti, vous vous êtes remis à écrire des chansons pendant la tournée…C.B. : Encore une fois, on a décidé de changer nos habitudes. Par le passé, comme pour “Hybrid Theory” ou “Meteora”, ce qu’on faisait était simple : on écrivait le disque puis on l’enregistrait, ce qui prenait entre douze et dix-huit mois, puis, le succès étant au rendez-vous, on tournait pendant deux ans. Voici en substance nos six premières années de carrière. Deux ans de studio et quatre ans de tournée. Et les gens nous disaient : “Mais pourquoi vous n’avez sorti que deux disques en six ans ? Vous êtes fainéants ou quoi ?”, alors qu’on bossait comme des dingues (rires). Mais ça a eu le mérite de nous remettre en question. On s’est dit qu’on allait pas sortir un “Hybrid Theory bis” à chaque fois, qu’on voulait faire des albums cools avec de nouvelles sonorités. On a donc décidé d’opérer un virage dans la carrière du groupe, et aussi de mieux gérer notre temps On a adopté un nouveau rythme, en faisant par exemple six semaines de tournée, puis cinq semaines à la maison. En procédant ainsi, on s’est rendu compte qu’on était toujours frais ; Et qu’arrive-t-il à un artiste frais lorsqu’il est à la maison ? Il crée. En plus, grâce à toute la magnifique technologie qu’on a à notre disposition aujourd’hui, chacun peut échanger avec les autres, et apporter un ordinateur portable et de l’équipement de studio partout. On s’est retrouvé à composer dans les avions, ou dans la voiture sur la route pour la salle de concert… Un beat par ci, une mélodie par là… Et, à la fin de la tournée, on avait pas mal de matière et des idées intéressantes qui arrivaient en permanence. On s’est dit qu’il fallait absolument qu’on parte en studio. Et sept mois plus tard, on est ici ensemble et on a ce putain d’album entre les mains. C’est dingue. On a promis à nos fans qu’on sortirait de la musique plus souvent désormais, on s’est fixé pour but de faire un nouveau disque tous les dix-huit mois. On a réussi à le faire pour “LIVING THINGS”, on est très content du résultat, tout s’est passé à merveille, et le disque a une énergie qui va rehausser encore le niveau de nos concerts.
On sent aussi qu’un album comme “A Thousand Suns” a amorcé ce changement, que ce fut le vrai tournant dans votre carrière.R.B. : “A Thousand Suns” a été pour nous l’occasion de remettre en question tout ce qu’on pensait sur le groupe et de laisser les choses venir à nous. On s’est parfois retrouvé en studio à enregistrer des idées qui venaient comme ça. Ça nous a permis de nous améliorer chacun en tant que musicien, et aussi de mieux travailler ensemble. On a appris énormément entre chaque album, en particulier pour “Minutes To Midnight”, pour lequel on a passé un an à expérimenter des sons, à tester des guitares… Ça nous a beaucoup aidé au moment de concevoir “A Thousand Suns”. Ces deux albums constituent un chapitre de notre histoire, et on a voulu continuer d’expérimenter sur “LIVING THINGS”. Mais… On aime aussi les chansons structurées, avec des gros refrains, digestes, et cela se ressent aussi. Tu vois, pendant la conception de “LIVING THINGS”, on écoutait beaucoup de folk, de musique très épurée, tout en recherchant des nouveaux sons synthétiques. On a toujours voulu se lancer des défis, explorer des nouveaux territoires, mélanger des styles qui ne semblent pas nécessairement associés à Linkin Park.
PAS EN LIGNE DROITE
D’ailleurs, on peut presque dire qu’un morceau comme “ROADS UNTRAVELLED” est le plus rock que vous ayez jamais écrit. Il y a des morceaux plus directs que sur “A Thousand Suns”…C.B. : C’est intéressant. On est arrivé à un stade de notre carrière où on se sent bien dans notre peau et où on peut se permettre tout ce qu’on veut. On n’a plus rien à prouver, à nous-mêmes comme aux autres. On ne regrette rien de ce qu’on a fait par le passé, on est très fier de tous les disques qu’on a sortis, et on aime l’idée que nos fans sachent pertinemment qu’on peut aller dans n’importe quelle direction et les surprendre, que ce soit un tout petit peu ou beaucoup dans certains cas (rires). Et sur “LIVING THINGS”, effectivement, on s’est moins dispersé. On a expérimenté, mais partir loin ne veut pas dire se perdre. On a composé beaucoup de jolies chansons folk durant le processus, des sons très classiques, avec de belles guitares, des mélodies répétitives dans la grande tradition… Mais Rick (Rubin, coproducteur de l’album, Ndr) est venu nous voir un jour en disant : “Ces morceaux sont géniaux. Mais vous voulez vraiment faire un disque folk ?”. On sait qu’on n’est pas un groupe de folk, on ne va pas s’asseoir avec des putains de flûtes et des bongos (rires). On a donc réarrangé ces chansons, et ça a donné des titres comme “ROADS UNTRAVELLED”, “SKIN TO BONE” ou “CASTLE OF GLASS”, qui sont finalement très Linkin Park, avec de vrais éléments rock. Pour résumer, je dirais qu’on a voulu aller d’un point A à un point B, mais pas en ligne droite (rires). Encore une fois, expérimenter ne veut pas dire être bizarre. On a pu faire des choses un peu étranges dans notre carrière, mais dans le bon sens du terme. Sur l’album, on a fait “UNTIL IT BREAKS”, un morceau en quatre mouvements, avec du hip-hop, du punk-rock, des éléments électroniques dansants puis une fin acoustique très folk. On a pris tout ça, et on en a fait une chanson de Linkin Park.
Parmi les autres surprises de ce disque, une collaboration avec l’ancien Arcade Fire Owen Pallett, qui a arrangé les cordes sur “I’LL BE GONE”. Comment une telle association a-t-elle pu se faire ?R.B. : Pendant qu’on enregistrait “I’LL BE GONE”, on s’est dit qu’il y avait un truc qui clochait, le son ne correspondait pas à ce qu’on voulait. Comme on adorait ce morceau, on voulait trouver la bonne solution pour le rendre meilleur. C’est là que Joe (Hahn, le DJ, Ndr) a eu l’idée de mettre des cordes dessus. J’en ai parlé à Rick, qui nous a tout de suite suggéré d’appeler Owen, car c’est un arrangeur de grand talent. On lui a envoyé le morceau, et quelques jours après, on a reçu ses arrangements qui apportent énormément à la chanson, notamment en soutenant à merveille la mélodie de voix de Chester. Malheureusement, on ne s’est jamais vu en face à face, mais on se téléphonait régulièrement.
C.B. : On envoie un morceau au Canada par Internet, et deux jours après, on le reçoit complètement transfomé. On vit dans une machine à explorer le temps (rires). Plus sérieusement, je trouve très intéressant que cette collaboration ait pu se faire. Certains s’étonneront de voir un artiste indé travailler avec Linkin Park, mais en même temps, je pense que chaque groupe, lorsqu’il débute, a ce côté très indé. On n’a pas signé du jour au lendemain, bien au contraire. On a travaillé d’arrache-pied pour se faire simplement repérer. On s’est toujours battu pour exister, et c’est très important pour nous d’avoir la reconnaissance d’un artiste comme Owen, qui est très talentueux, et dont l’œuvre est respectée par un public différent du nôtre. J’adore la musique, et je suis fan d’Arcade Fire et de Linkin Park ! Et si ça choque des gens, je trouve ça encore plus cool !
Source : Mikeshinodaclan