CyberInflames Cybercritique
Age : 33 Nesquik : 122 Nombre de messages : 5104 Date d'inscription : 09/05/2011
| Sujet: Re: Vos séries préférées ! 26.09.15 14:49 | |
| Mon avis sur chaque saison de Breaking Bad, pour qui veut lire : Saison 1 : - Spoiler:
On ne peut s'empêcher d'imaginer une bonne comédie noire à la lecture de ce pitch incongru - un professeur de chimie s'associe à un de ses anciens élèves devenu dealer pour fabriquer et vendre de la méthamphétamine - et de la participation improbable de Bryan Cranston - aka le papa de Malcolm pour toute une génération. Et quelle révélation ! Certes, Breaking Bad possède des passages résolument burlesques, tant les deux protagonistes sont aux antipodes et se lancent dans une aventure qui les dépasse, mais c'est surtout une grande œuvre dramatique. On apprécie tout particulièrement les conséquences directes et immédiates de ce qu'entreprennent Walter et Jesse. N'importe quelle autre série aurait laissé la belle vie à un tel duo pendant une dizaine d'épisodes avant de bouleverser leur entreprise. Tandis qu'au travers de cette saison - sept épisodes - le traitement est assez réaliste. Ainsi, l'enquête des Stups se resserre rapidement, les soupçons de la famille pointent dès les premiers changements de comportement, et il faut plus que quelques pirouettes humoristiques pour s'en sortir.
L'incidence est donc instantanée, ce qui a pour conséquence de garder les protagonistes constamment sous pression, sans que rien ne soit jamais acquis, en jouant sans cesse sur le questionnement moral. Et si la série parvient à nous impliquer autant, c'est en grande partie grâce à sa direction d'acteur irréprochable. La performance de Cranston est sidérante. On oublie facilement Hal pour découvrir un nouveau personnage au pied du mur, lorsqu'il apprend qu'il a le cancer, mais très surprenant et plein de ressources. L'acteur impressionne en réussissant, en si peu de temps, à conférer toute cette personnalité ambiguë et palette d'émotion à Walter White. Aaron Paul - le dealer un peu pommé - est également un excellent atout et crée un réel contraste entre son caractère impulsif et insouciant, et celui du professeur cynique et désabusé. Dean Norris est totalement acquis à son rôle, et s'en donne à cœur joie dans l'humour graveleux. Et puis la famille de Walt, avec sa femme enceinte Skyler (Anna Gunn), et son fils handicapé Walter Jr. (RJ Mitte) offrent des prestations très fortes.
Par ailleurs, si la mise en scène est assez classique dans l'ensemble, elle ne se prive pas de quelques effets inventifs qui donnent un certain style à la série, ainsi que d'une bande-son acoustique qui colle bien aux paysages désertiques du Texas. Du coup, cette première saison est une excellente mise en bouche qui parvient à s'intéresser à une multitude de personnages, tout en traitant suffisamment d'événements en sept épisodes pour remplir tout autant de saisons d'une série lambda. Et avec ce finale sur les dents, la voie est très bien pavée pour la suite du show. Saison 2 : - Spoiler:
C'est peu dire que cette deuxième saison commence sans ménagement. On retrouve Walter et Jesse exactement là où on les avait laissés : dans la décharge face à Tuco. Mais si tout promettait d'aller pour le mieux en fin de S1, avec de grands plans de production de méth. et d'argent "facile", les scénaristes ont décidé d'épicer un peu cet avenir tout tracé. Ainsi, après cette brève apogée, c'est une véritable descente aux enfers qui s'opère en l'espace de quelques épisodes. Jesse finit presque au fond du trou, tandis que Walt s'aliène de plus en plus du reste de sa famille. Les conséquences sont réellement tangibles et, malgré quelques séquences saugrenues, tout semble s’écrouler autour des personnages et de leurs décisions. La cruauté des scénaristes est telle que notre duo de protagonistes n'a quasiment aucun répit. Dès qu'un éclaircissement s'annonce, une montagne d'emmerdes les attend à la minute suivante (sacré épisode 9), avec ce qu'il y a de pathétique dans les situations.
Par ailleurs, en parallèle, cette deuxième saison semble vraiment construire toute une mythologie autour de Walter "Heisenberg" White. Son évolution morale est notable, et cet anti-héros parvient même à devenir détestable sur certains épisodes. Il faut dire qu'il y a un conflit permanent avec Jesse qui est parfois fatigant tant aimerait les voir former une réelle équipe, soudée. Mais ça irait à l'encontre de leurs catégories sociales et l'intrigue en joue. Même si Jesse paraît devenir plus idiot à mesure que Walter devient plus badass. Sinon, notons le petit caméo appréciable de Danny "Tortuga" Trejo. Cette deuxième saison voit aussi arriver Krysten Ritter, en sacrée garce. En parlant de femme ennuyeuse, Skyler, la femme de Walter est plutôt pénible, en exagérant tout à la moindre bricole. Par contre, c'est un vrai plaisir de voir le perso d'Hank (Dean Norris) être plus approfondi que le simple comic relief, notamment à travers les tournures dramatique de son enquête non dénuée de péripéties.
Cette deuxième saison est vraiment bien menée, et ne se laisse pas aller du fait d'un nombre d'épisodes double, bien au contraire même. Côté réalisation, la mise en scène est bien plus réfléchie et excentrique, usant d'angles improbables, de timelapses, et autres effets de montage originaux pour donner une identité visuelle à la série. Il y aussi ces flashforwards stylisé et intrigants en début d'épisodes qui brouillent les pistes. Comme imagée à travers un dialogue, l'histoire avance à coup de "un pas en avant, deux pas en arrière", et on peut regretter cet acharnement sauvage (notamment dans les concours de circonstances) envers Walt et Jesse. Néanmoins c'est un des aspect crucial de la série et qui s'illustre mieux sur la fin de saison, dans cet thématique d'effet papillon. Tout s'accélère avec l'arrivée de nouveaux personnages clés (le facétieux et vénal Saul Goodman, et le plus mystérieux Gus Fring), et de choix moraux graves en conséquences. De nouveau un grand cru, qui tient en haleine treize épisodes durant et ne se prive pas de nous laisser en plan sur un cliffhanger renversant. Saison 03 : - Spoiler:
La saison précédente avait laissé nos deux protagonistes au fond du trou, alors qu'ils pouvaient être les plus grands trafiquants de méth. du Nouveau-Mexique. Cette saison 3 s'entame dans une ambiance relativement différente de la série gravitant autour des interactions du teamp-up Walt/Jesse. Effectivement, chacun est ici de son côté, tentant de reprendre sa vie en main après les événements dramatiques qu'ils viennent de vivre. La scission du duo est alors à son paroxysme, à mon grand désappointement, ce qui tend à rajouter moult altercations et rebondissements. Ce début de saison, particulièrement, montre le caractère détestable de la femme à travers Skyler, aucunement reconnaissante et qui blesse par méchanceté, partant du principe qu'elle a tout d'acquis et qu'elle peut disposer à sa guise des personnes partageant sa vie. Ainsi, Walter se fait littéralement humilier alors qu'il a lui-même mis sa vie en miette pour offrir un avenir à sa famille. Là est tout le vice des scénaristes qui parviennent à l'enterrer davantage que quand il avait le cancer.
Par ailleurs, le fait que de plus en plus de personnes connaissent les activités illicites de Walter - et sa vie privée - enlève une partie du charme que Breaking Bad avait instauré dans ses premières saisons. Surtout lorsque c'est Skyler même qui cherche à s'impliquer plus que de mesure ; de quoi laisser planer un léger contresens sur le personnage. Notons également, dans les comportements confus de cette saison, tous ces emportements soudains et changements d'avis abrupts qui se montrent assez perturbants et entament quelque peu la consistance d'écriture. Néanmoins, de tous ces personnages poussés dans leur retranchement, c'est Hank (Dean Norris) qui tire son épingle du jeu. Sa fierté et son humour de surface se craquellent peu à peu pour dévoiler une identité admirablement approfondie. Quand on repense aux persos en tout début de série et qu'on constate où il en sont maintenant, c'est tout de même le résultat d'une belle écriture du scénario qui les fait évoluer constamment, au point qu'on leur découvre encore des faces cachées.
De multiples connexions avec les personnages s'établissent, rappelant des épisodes de la saison précédente pour alimenter l'intrigue. Ainsi, si les saisons passées usaient de flashforwards, celle-ci utilise plutôt les flashbacks pour construire ses nouveaux axes scénaristiques. Le montage est dynamique, et il y a encore un gros travail de mise en scène avec les vues subjectives, les timelapses ou les cadrages pris d'endroits insolites. En outre, les paysages arides redeviennent dominants, et la musique accompagne joliment les scènes, avec de l'acoustique désaccordée à la fois accrocheuse et soulignant l'étrangeté de la situation. Néanmoins, cela ne suffit pas toujours, à l'instar de l'épisode 10, seul vrai épisode de remplissage de toute la série, pour contraintes budgétaires. Bien qu'hilarant par moment, il se contente de broder autour d'une mouche, et heureusement que Rian Johnson est à la réalisation pour captiver au mieux.
La seconde moitié de saison, toujours sous tension, offre certains des moments les plus forts de la série, où quand les conséquences morales se mélangent à la famille. Paradoxalement, on finit par se réjouir de la réussite de personnes mauvaises et, inversement, des retombées négatives sur les "gentils". La collaboration entre Walt et Gus atteint un autre niveau, même si ce dernier perd de sa substance cryptique du départ. Il faut dire qu'il y a toute une intrigue autour de cet homme de l'ombre, avec son lot de ramifications très intéressantes. Son homme de main, Mike, se dévoile également, un peu comme tous les autres : attachant tout en étant dangereux. Et Saul Goodman, toujours au top, joue un rôle primordial tout en servant de point d'attache. Au final, cette troisième saison s'est montrée assez différente, plus calme à première vue, en abordant ses personnages sous des angles différents. Puis, c'est la complexité qui s'est dévoilé davantage jusque dans les derniers épisodes, haletants, marquant très certainement un tournant majeur pour le futur du show. Saison 04 : - Spoiler:
Quatrième saison pour les aventures de Walter White et Jesse Pinkman, et non des moindres, puisque la troisième saison s'était terminée en un cliffhanger majeur qui redistribuait les cartes. Ces treize nouveaux épisodes semblent d'ailleurs marquer une fin de série, puisque tous les personnages arrivent au bout de leurs arcs respectifs. Pourtant, s'il s'était agit d'une ultime incursion dans l'univers de Breaking Bad, elle aurait été décevante tant on est loin du niveau des années précédentes. Le charme des débuts s'est en partie évaporé, et même la réalisation peine captiver totalement. Les flashbacks (ou forward) et vues subjectives sont beaucoup plus rares, et la bande-son acquiert une importance définitivement moindre. En fait, l'implication du spectateur est très réduite tant la mise en scène est devenue théâtrale et souffre d'un montage moyen. Heureusement, le dernier tiers de la saison rattrape en partie cet ensemble bancal avec son lot de séquences fortes et percutantes.
Sans cela, le démarrage est mollasson, la série s’apitoyant sur le sort de ses personnages sans réellement les faire évoluer. Il faut vraiment attendre l'épisode 5 pour redonner du souffle à cette stagnation. Mais, là encore, les réactions des personnages ne sont pas toujours consistantes avec le portrait qui a été dressé d'eux en trois saisons. Par exemple, Walter qui pense habituellement consciencieusement aux moindres détails, accumule ici les actions irréfléchies, impulsives. Et, finalement, sa mentalité va énormément changer, sans qu'on le voit venir, car il est effectivement très absent de plusieurs épisodes. A contrario, Aaron Paul gagne davantage de temps d'écran et offre une excellente prestation tout du long. Malgré la fin de saison précédente qui laissait entrevoir une meilleure relation entre Walt et Jesse, elle se détériore rapidement pour retomber dans le conflit usuel et plutôt fatigant. Notons la présence toujours plus marquée de Mike, personnage secondaire d'excellence.
En fait, les enjeux dramatiques sont pauvrement gérés pour parvenir à insuffler un rythme aguicheur à cette première volée d'épisodes. Il y a aussi le fait que les conséquences ne soient plus immédiates et imprévues, mais calculées à chaque instant, dans chaque camp, pour servir leurs desseins. Du coup, il n'y a plus cet effet de surprise, et certaines scènes sombrent même dans du prévisible consternant. La saison s'intéresse davantage à Gus, ses connexions avec le cartel, et l'enquête de la DEA. Pareillement, Skyler White est plus présente, soulevant des problématiques qui n'ont pas lieu d'être, se contredisant par la même occasion, et permettant la création de sous-intrigues annexes de seconde main qui servent juste à combler le show. Car, malgré un casting toujours brillant et des situations parfois bien tendues, cette quatrième saison se perd trop autour de ses personnages et s'étire sans raison, au point d'être souvent ennuyeuse à suivre, et d'attendre simplement le climax habituel des derniers épisodes. Saison 05 : - Spoiler:
Suite à la déconvenue (relative) de la saison 4, et son aspect conclusif, j'étais plutôt dubitatif vis-à-vis de cette nouvelle saison. Néanmoins, le premier épisode a suffit. Petit chef d’œuvre de mise en scène, on y retrouve l'esprit des tous premiers épisodes de la série, avec un montage et une bande-son parfaits, et surtout d'excellentes interactions entre les personnages, avec juste ce qu'il faut d'humour. Et c'est ainsi que va se poursuivre l'ensemble de la saison. Tout y est superbement orchestrée, en une succession de scènes poignantes et spectaculaires, finement écrites et agencées, représentant le meilleur de Breaking Bad amené à son paroxysme. Les timelapses et autres effets de réalisations reprennent leur droit et dynamisent les épisodes, tout comme ce design sonore somptueux rappelant parfois le duo Heil/Klimek. Pour preuve, le braquage du train se pose comme une séquence d'orfèvre, soit une des meilleures de la série, forte d'une tension palpable constante et d'une mise en scène brillante. Si cette saison parvient à autant faire valoir ces moments d'émotion intense, c'est essentiellement grâce à son découpage en deux parties de huit épisodes plutôt distinctes, qui permet alors de retrouver ce rythme effréné dans l'évolution des situations.
Et cela permet également aux scénaristes d'étoffer et pousser rapidement les personnages dans leurs retranchements. Du coup, l'axe autour de Mike est rudement intéressant et laisse entrevoir des enjeux bien plus grands que tout ce qu'on a vu jusqu'à présent, par le biais de la nouvelle venue Lydia (Laura Fraser). Dans la première partie, la collaboration en très bons termes de Walt et Jesse fait réellement plaisir et donne un nouveau souffle à la série. Ça va d'ailleurs bien plus loin quand Mike se joint à eux. Ce trio en or est révélateur pour les protagonistes, notamment Jesse qui se dévoile plus que jamais et apparaît moins caractériel et plus réfléchi. Du coup, la relation n'en est que meilleure, apaisée. À ses côtés, on est témoins de la déchéance du monstre Walter White, manipulateur et corrompu par tout ce monde obscur dans lequel il baigne depuis plus d'un an. Ses motivations sont désormais bien plus profondes que le simple aspect financier, et sont nées à mesure que le personnage a changé moralement, happé par cette autre personnalité impitoyable et égocentrique qui a grandi dans son subconscient ; ce qui le rend plus badass et imprévisible, et tout autant détestable dans sa mégalomanie. On s'intéresse vraiment à tous les personnage, ce qui force à faire des choix cruciaux lorsqu'ils rentrent en conflit. Sauf pour Skyler, dont le revirement agace et renvoie à la saison 3, alors que dans la 4 elle semblait avoir passé le cap au-dessus.
Si la première moitié de saison se montre irréprochable et aurait tout aussi bien pu clore la série, avec Walter White en paix avec lui-même, c'était sans compter sur la deuxième huitaine d'épisodes qui s'entame avec fracas, alors que tout s'écroule et que son passé le force à replonger. La dramaturgie y est exacerbée pour terminer la saison en apothéose, avec une successions de climax qu'on n'aurait jamais pu imaginer aussi percutants. Les acteurs sont à leur summum pour exprimer toute l'intensité qui gravite autour d'eux et, de ce fait, les personnages se métamorphosent et les relations deviennent explosives. Il n'y guère de mots pour décrire la prestation stellaire que Bryan Cranston assène jusqu'aux dernières minutes. Et comment ne pas aborder ce phénoménal épisode 14, mis en scène par Rian Johnson - un climax de tension absolue avant le finale déchirant. Ainsi, cette ultime saison conclut la série à merveille, emmenant Breaking Bad à son apogée. Chaque épisode concurrence aisément les meilleurs épisodes des années précédentes ; tellement que ça en devient grandiose. Malgré ce coup de mou dans la saison 4, c'est assurément une conclusion dantesque à une série en tous points brillante, et aux éloges amplement méritées.
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